mercredi 11 janvier 2012

LE BUSINESS DE LA FIN DU MONDE

Le Point.fr - Publié le 10/01/2012 à 13:25 - Modifié le 10/01/2012 à 17:40

 

 Randonnées new age, kits de survie, bunkers de luxe... Le commerce de l'apocalypse ne connaît pas la crise.

L'entreprise américaine Vivos propose de réserver sa place dans un bunker souterrain pour survivre à la fin du monde. L'entreprise américaine Vivos propose de réserver sa place dans un bunker souterrain pour survivre à la fin du monde. © Capture d'écran

Comment, vous n'avez toujours pas réservé votre place au chaud pour survivre à la fin du monde ? Si l'on en croit les prophéties inspirées du calendrier maya, qui fixent l'apocalypse au 21 décembre 2012, c'est de la pure inconscience. Plus que onze mois pour creuser son trou, édifier son bunker, faire des provisions et dire au revoir (sait-on jamais) à la planète Terre... On n'a pas trouvé mieux pour juguler la crise financière : faire de fumeuses prédictions un véritable business. Et le pire, c'est que ça marche. Les arnaques en tout genre fleurissent sur la Toile sur fond de théories catastrophistes et autre spéculation apocalyptique.
En France, on connaissait le petit village de Bugarach dans l'Aude qui, depuis quelques mois déjà, accueille tout ce que le globe compte de néo-babas, adeptes new age et illuminés de tout poil, intimement convaincus que le cataclysme final ne passera pas par là, grâce au célèbre pic, point culminant des Corbières, dont la géologie protégerait les environs. Mais ces randonnées ésotériques aux noms évocateurs, tels que "sauvez le monde", les yourtes, les cérémonies en blanc et autres incantations réalisées dans le plus simple appareil ne sont que folklore au vu de ce que préparent les Américains.
De l'autre côté de l'océan, "sauver sa peau" peut en effet coûter une petite fortune. Pour 50 000 dollars, soit environ 35 000 euros, la société Vivos propose une place de choix dans un bunker antiatomique souterrain. Claustrophobes, s'abstenir. Chacun des vingt bunkers prévus par l'entreprise de construction peut contenir entre 200 et 1 000 personnes. Cuisines, cellules pour la nuit, salles de détente, cinéma, hôpital et centre dentaire, l'abri a des allures de paquebot de luxe. La mer en moins, bien sûr. Selon certains médias, plusieurs milliers d'Américains auraient déjà choisi leur place dans ce monde parallèle, dont les réserves permettraient de survivre pendant un an à une catastrophe majeure.

Science-fiction

Quant à ceux qui n'auraient pas les moyens de s'offrir ce blockhaus trois-étoiles, qu'ils se rassurent : on ne compte plus les sites internet et les best-sellers qui prodiguent les meilleures astuces pour se barricader chez soi. Le site Apocalypse2012 vous indique ainsi comment construire votre propre abri et dresse une liste de conseils à suivre pour survivre : "Prévoyez une pièce raccordable à un groupe électrogène, qui, s'il est installé dans cette pièce, devra disposer d'un système d'évacuation des fumées et de gaz, afin de ne pas vous asphyxier. Idéalement, les fumées devront être évacuées vers le sol pour vous permettre de ne pas attirer l'attention. Cette pièce devra encore disposer d'un grand placard où entreposer les provisions et qui fermera à clé afin d'assurer et de maîtriser un rationnement potentiel."
On croirait à une plaisanterie tant ces postulats font penser à un mauvais scénario de science-fiction. Pour Georges Fenech, président de la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), il n'en est rien. "Si l'apocalypse est présente dans l'ensemble des religions monothéistes, avec l'arrivée d'Internet, elle revêt un caractère parfaitement irrationnel. En grec, le terme signifie révélation, ou vérité, et non chaos ou bouleversement. Mais nous devons être extrêmement vigilants. La récupération et l'interprétation de certaines théories peuvent devenir extrêmement dangereuses."

"La rumeur est exploitée par des gourous"

Si le terme a évolué, les propos alarmistes, eux, ne datent pas d'hier. Déjà, au XVIe siècle, l'apothicaire français Nostradamus livrait des écrits divinatoires sur les catastrophes à venir. Et l'on se souvient, il n'y a pas si longtemps, des théories de l'an 2000... Pour 2012, tous les phénomènes sont bons pour prévenir le chaos. Pour certains, Fukushima est l'élément annonciateur de la fin. Pour d'autres, ce serait le réchauffement climatique.
Au programme du 21 décembre prochain ? Un renversement des pôles magnétiques, l'arrivée d'une nouvelle planète qui percuterait la nôtre ou l'alignement de la Voie lactée. Rien que ça ? "On doit, bien sûr, respecter la liberté de croyance de chacun, rappelle Georges Fenech. Le problème, c'est que la rumeur planétaire est exploitée par des gourous sans temple qui créent un climat anxiogène. Et les conséquences peuvent être terribles." À craindre, un désengagement social. Et même pire, un passage à l'acte. On se souvient bien sûr du suicide collectif des 914 adeptes du Temple du peuple au Guyana en 1978, du drame de la secte Heaven's Gate en 1997, et des 16 brûlés vifs de l'Ordre du temple solaire dans le Vercors en 1995. "Cette année, en Bourgogne, cinq femmes sont tombées sous l'emprise d'un gourou canadien, via Internet. Une enquête vient d'être ouverte pour incitation au suicide, s'inquiète le président de la Miviludes. Nos équipes seront donc sur tous les fronts d'ici le 21 décembre."
En attendant, il ne nous reste plus qu'à nous procurer kits de survie (150 dollars), trousses de secours (39,90 dollars) et mugs antiatomiques sur le site officiel du 21 décembre 2012. Et à télécharger l'application iPhone "Twenty12" qui permet de compter à rebours jusqu'au jour funeste. J - 345 jours, 12 heures, 7 minutes, 24 secondes...

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