dimanche 26 février 2012

LOVECRAFT ET DRACULA

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 Lovecraft n’oubliera pas d’inclure le roman de Stoker dans ses « Admirations »  (Supernatural Horror in Litterature, 1927, édition française chez Christian Bourgois ; chez Robert Laffont, collection « Bouquins », tome 2, 1991) : Mais le meilleur est le célèbre Dracula, qui est à peu près devenu la forme moderne idéale de l’effroyable mythe vampirique. Un vampire, le Comte Dracula, habite un horrible château dans les Carpates ; mais il finit par émigrer en Angleterre avec l’intention de peupler le pays de ses compagnons vampires. Comment un Anglais réussit à pénétrer dans la forteresse terrifiante de Dracula, et comment l’ambitieux complot du mort démoniaque est enfin déjoué, tels sont les éléments d’un récit justement mis au nombre des œuvres impérissables des lettres anglaises.


Collecté par ailleurs dans la volumineuse correspondance de Lovecraft par Jacky Ferjault :

A propos de Cook, il vient juste de me prêter deux livres, dont l’un est la dernière œuvre de Bram Stoker ([1]), Le Repaire du Ver blanc. L’idée de départ est colossale, mais le développement est si enfantin que je ne peux pas imaginer comment cela a jamais pu être imprimé — si ce n’est à cause de la réputation de l’auteur de Dracula. Le récit décousu et immotivé, les personnages puérils et artificiels, la tendance illogique qu’ils ont tous à faire la chose la plus stupide possible précisément au mauvais moment et sans aucune raison et le développement compliqué d’une personnalité reléguée par la suite dans une complète insignifiance — tout cela me donne la preuve que Dracula (Mrs Miniter a vu Dracula en manuscrit il y a environ trente ans. C’était incroyablement négligé. Elle envisagea le travail de révision, mais demanda trop cher pour Stoker) et Le Joyau des Sept Etoiles ont été retouchés.
(Lettre à Frank Belknap Long du 7.10.1923).

Ainsi Tabitha est devenu un nom de chat à Sac Prairie ? Par ici, ça s’applique encore aux femelles primates de l’espèce  Homo sapiens — surtout, cependant, parmi la génération qui s’éteint graduellement. C’est curieux comme ça volète d’animal en animal — c’était à l’origine un mot araméen (altération de l’Hébreu local utilisé en Syrie à l’époque du Nouveau Testament) signifiant gazelle femelle. Dorcas (d’après un mot grec signifiant briller ou luire — en référence aux grands yeux brillants de la gazelle ; d’une autre forme du même mot vient le nom latin draco ([2]), qui veut dire dragon ou serpent ou — plus tard et par transfert — diable. D’où, par les sources slaves ou roumaines, le mot dracu, et le nom propre Dracula. Drak ou dric est une ancienne racine aryenne remontant au Sanscrit — signifiant voir ou briller, et est le mot grec désignant la gazelle ou l’antilope, formant ainsi une traduction.
(Lettre à August Derleth du 27.03.1935)

A propos du film

Et Dracula, en 1931 —  j’ai vu le début à Miami, en  Floride — mais n’ai pas réussi à m’éterniser dans la totale monotonie, ce qui fait que je l’ai délaissé pour un clair de lune tropical et parfumé !
(Lettre à Farnsworth Wright du 16.02.1933).


[1] Abraham Stoker (1847-1912). Originaire de Dublin. D’abord journaliste et critique dramatique, il se consacra à la littérature fantastique après le succès de Dracula (1897). Autres romans fantastiques traduits en français : The Jewel of the Seven Stars (1904) — Le joyau des sept Etoiles, Bibliothèque Marabout n° 597, 1976 — ; The Lair of the White Worm (1911) — Le Repaire du ver blanc, Bourgois, 1970 —. Sur B. Stoker et Dracula voior la livraison spéciale de Midi-Minuit Fantastique n° 4-5, janvier 1963.
[2] Certains mots de ce texte n’ont pas, pour une meilleure compréhension, été traduits (NdT)

1 commentaire:

Psychopompos a dit…

Je ne sais pas si je suis le seul à l'avoir remarqué, mais la nouvelle de Lovecraft La Maison de la Sorcière (The Dreams in the Witch-House) ressemble beaucoup à la nouvelle de Stoker La Maison du Juge (The Judge's House) : toutes les deux mettent en scène un étudiant en mathématiques qui révise dans une vieille maison anciennement habitée par une personne sinistre, et est tourmenté par une espèce de fouine (dans la nouvelle de Stoker, il ne s'agit pas du familier du maître des lieux mais du maître des lieux lui-même). Le dénouement se rapproche, aussi.