mardi 4 septembre 2012

TOUJOURS WHITBY

03 sep 2012

Liberation.fr

Whitby - le cimetière de Dracula

« A peine a-t-on quitté la ville, on arrive aux ruines de l’ancienne abbaye de Whitby (…). Ce sont des ruines immenses, qui vous donnent un réel sentiment de grandeur, et pittoresques par plus d’un aspect. »
Extrait du journal de Mina Murray (24 juillet) repris par Bram Stoker dans Dracula.

Post 21-4Après presque trois semaines passées en Roumanie sur les traces de Dracula — le vampire — et de Dracula — le prince de Valachie —, une dernière et mémorable soirée au Count’s Dracula Club de Bucarest, nous avons quitté le pays pour traverser la moitié de l’Europe jusqu’à l’aéroport de Londres. Aux abords de la capitale britannique où nous attendent les ultimes investigations de notre quête, nous avons poursuivi en traversant la moitié du pays, en voiture cette fois, jusqu’à la petite ville de Whitby, dans le Yorkshire, non loin de la frontière écossaise.
Pourquoi Whitby ? Même si on a souvent tendance à oublier cette localité, lui préférant les images de la Transylvanie découverte par Jonathan Harker ou l’action principale du roman, à Londres, la petite bourgade de Whitby vit se dérouler plusieurs événements majeurs de la première partie de Dracula, et notamment l’arrivée du vampire sur les terres britanniques.
Non loin de l’endroit où nous avons posé nos sacs se dresse une petite colline herbeuse qui domine calmement le port. J’y fume une cigarette à l’aube, assis sur l’un des bancs, en observant le lever du soleil sur Whitby. Immédiatement, je me retrouve précipité dans les pages du journal de Mina Harker. Les lieux du roman se dévoilent un à un sous les rayons clairs du soleil, à commencer par le port et les longues digues rehaussées de phares qui se jettent à l’assaut de la mer, celles-là même entre lesquelles le Demeter ― qui transportait Dracula à son bord ― s’engagea miraculeusement. En face se dresse la falaise qu’évoque Mina, dont les roches friables s’émoussent sous l’action conjuguée du temps et des embruns, précipitant dans le vide les tombes du cimetière qui s’y accroche. D’où je suis, je ne peux que deviner ce dernier, mais je distingue parfaitement l’église Sainte-Mary et, au-delà, la vieille abbaye dont les ruines sont traversées par les rayons du soleil levant.
Passé le pont qui enjambe la rade, nous empruntons le fameux escalier et ses cent quatre-vingt-dix marches menant au cimetière de l’église. Arpentant ses allées bien entretenues, nous ressentons clairement l’impression de voyager plus d’un siècle dans le passé. En effet, nous avons beau chercher, nous ne trouvons aucune tombe appartenant ne serait-ce qu’au 20ème siècle. Où que portent nos regards, il ne s’agit que d’une succession de vieilles stèles creusées de sillons par les embruns salés et le vent, aux inscriptions en majeure partie effacées. À l’entrée de l’église, nous entamons la discussion avec une vielle dame permanentée, qui nous explique que le cimetière a été fermé aux nouvelles inhumations à partir de 1861, et conservé en l’état depuis. Comme nous évoquons notre quête, elle nous informe qu’un registre des tombes a été mis en place au tout début du 20ème siècle. Installés sur les bancs de l’église, nous entreprenons de consulter les épais tomes qu’elle nous fournit, excités à l’idée d’y retrouver les tombes évoquées par Mina Harker lorsqu’elle discutait avec Mr Swales, le vieux pêcheur avec qui elle se lia d’amitié durant son séjour à Whitby. Ayant consciencieusement épluché ces registres, nous retrouvons la mention de presque toutes les tombes évoquées dans Dracula : Edward Spencelagh, Braithwaite Lowrey, Andrew Woodhouse, John Paxton ou encore John Rawlings, et les inscriptions de leurs pierres tombales correspondent au détail près (dates et conditions de décès). De retour dans les allées du cimetière, nous entreprenons de les identifier, une entreprise rendue peu évidente par les indications sibyllines des registres (nord-est de la nef, non loin du marqueur AS1806…). Après plusieurs heures de recherches, nous n’en identifions finalement qu’une seule : la stèle des Woodhouse, dont quelques lignes échappées aux intempéries nous renvoient à celles du registre.
Post 21-2

Sortant par l’arrière de ce cimetière où Dracula trouva refuge avant de rejoindre Londres, nous faisons le tour des restes de l’abbaye Sainte-Hilda, bâtie au 13ème siècle et dont les ruines se désagrègent doucement depuis le décret de 1540, lorsqu’Henri VIII prononça la dissolution des monastères. Aujourd’hui ne demeurent que la façade percée d’ouvertures en arches brisées et quelques pans de murs éparses, exactement comme Mina la décrivit dans son journal.
Nous achevons cette journée en nous intéressant au Demeter, le navire qui amena Dracula ici depuis Varna. Du haut de la falaise, la vue permet d’imaginer le navire bousculé par la tempête, s’engouffrant entre les digues avant de venir s’écraser contre une plage qui y fait directement face, perpendiculaire par rapport à l’axe des digues. Descendant jusqu’aux digues, nous les remontons tour à tour avant d’aller arpenter la plage où nous supposons que s’échoua le Demeter, juste avant que Dracula ne s’en échappe sous la forme d’un grand loup et ne gravisse la falaise pour se réfugier dans le cimetière. Les pieds dans le sable, nous observons la pente abrupte qui mène au sommet de la colline. Face à nous, elle apparaît si verticale que toute escalade semble impossible. Mais face à la mer, une partie plus inclinée permet sans peine d’imaginer un tel exploit. Dans Dracula, cet événement est relaté sous la forme de plusieurs coupures de journaux. Il est évident qu’un tel échouage dut marquer les esprits, et nous décidons d’enquêter dès le lendemain sur l’histoire du Demeter. Peut-être, dans quelque archive obscure du petit port de Whitby, demeure la trace de sa curieuse arrivée…
Post 21-3
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Troisième volet d'une série de récits de voyages illustrés reposant sur le même concept : allier la découverte d'un personnage de littérature populaire à celle d'un territoire réel. Après le Texas pour Conan le Texan et le Gabon pour Sur la piste de Tarzan, nos deux aventuriers de l'imaginaire se sont rendu en Roumanie et en Angleterre, à la poursuite d'un autre grand mythe : Dracula !

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