jeudi 13 décembre 2012

LES CHRONIQUES D'EL BIB : LE VILLAGE DE LA FIN DU MONDE Nicolas d'Estienne d'Orves

 



L’affaire du Bugarach, ce village de l’Aude qui doit échapper à la fin du monde, est l’histoire de deux droites parallèles qui, par définition, ne doivent pas se rencontrer.
La première est celle de l’Apocalypse qui, selon une lecture pour le moins curieuse du calendrier maya, serait programmée pour le 21 décembre 2012.
La seconde est celle d’une montagne, le pech Bugarach, qui, depuis les années 1980, développe une mythologie folklorique particulièrement bien fournie. Sous l’impulsion d’ésotéristes (Elisabeth Van Buren), d’écrivains de science-fiction (Jimmy Guieu) et de toute une cohorte d’illuminés (Jean d’Argoun, Jean de Rignies, André Douzet…), la montagne devient un garage à OVNIS, abrite dans ses flancs de sulfureux trésors (l’Arche d’Alliance, le trésor de l’abbé Saunière), cache une porte temporelle ouvrant sur d’autres dimensions et frappe d’une redoutable malédiction les chercheurs trop curieux. Une version plus soft voit en cette montagne que l’on qualifie de sacrée un lieu de resourcement unique, une place vibratoire développant des énergies de haute qualité, bref le « vortex de la terre ».
Et ces deux droites parallèles se sont rencontrées un jour de novembre 2010 à l’occasion d’une discussion « café du commerce » entre un journaliste local et un édile municipal. « On n’a rien à craindre de l’Apocalypse ici, le Bugarach nous protégera ». Simple gag ou expression psychanalytique de terreurs enfouies ? Quoi qu’il en soit, cette révélation fera le tour de la planète, faisant les choux gras de tous types de médias et générant ses produits dérivés (tee shirts, cuvées spéciales des crus locaux), voire un commerce pour le moins douteux (vente sur internet de pierres de Bugarach, service de dépôt de testament dans une grotte de la montagne…).
Et c’est à cette curieuse affaire que l’écrivain Nicolas d’Estienne d’Orves a décidé de s’attaquer avec Le Village de la Fin du Monde, Rendez-vous à Bugarach (Grasset, novembre 2012). Un récit léger, plus journalistique que sociologique, sous la plume d’un auteur qui avoue avoir été toujours fasciné par l’ésotérisme. Mais une fascination qui n’est pas celle d’un adepte, mais celle d’un enquêteur qui voudrait bien savoir si il y a quelque chose de l’autre côté du miroir. Et de nous faire défiler une cohorte de personnages, tous plus haut en couleur les uns que les autres. Ici, ce n’est pas la Fin du Monde qui mobilise les populations, mais les énergies du lieu sur fond de chamanisme celtique comme l’explique très bien Tatie Jeannine, une figure locale. On aime aussi les thérapies douces et les médecines alternatives, comme chez Corine du Relais de Bugarach. L’auteur aura bien sûr chez cette dernière une démonstration du matelas « Bemer » qui guérit de pratiquement tout. Les extra-terrestres sont  évidemment de la fête et on assiste à une rencontre invraisemblable, en région parisienne, dans une banlieue lovecraftienne, avec deux anciens contactés de la région.  Le tout est croqué avec beaucoup d’humour, sans tomber dans une dérision facile. Et quant on sait que Nicolas d’Estienne d’Orves se réfère pour structurer son analyse au travaux de Thomas Gottin et de Véronique Campion-Vincent, on peut lire sans crainte !!!

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