dimanche 31 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA FENETRE A PIGNONS, Derleth & Lovecraft





La Fenêtre à Pignon (un texte de Derleth d’après les notes de Lovecraft). Au cas où vous ayez encore faim d’histoires de maisons maudites, on continue avec cette fois les petits neveux d’Henry Akelay, le reclus de Celui qui chuchotait dans les ténèbres qui voulait envoyer son cerveau sur Yuggoth. Wilbur Akeley décède en laissant à son cousin la ferme du vieux Wharton, aux creux des collines l’Aleysbury Pike. Wilbur était archéologue et anthropologue, formé à l’université de Miskatonic. Grand voyageur, il avait bourlingué en Asie et en Amérique Latine. Le narrateur, son cousin, reprend la demeure, dont seule une aile est aménagée. Une chambre, au premier étage, possède une étrange vitre de verre dépoli dont Wilbur disait qu’il venait de Leng ou peut être des Hyades. Le narrateur perçoit la nuit comme des bruits de griffes et de tentacules sur la vitre. En fouillant dans la chambre, il découvre toute une bibliothèque maudite (les grands classiques !) dont une photocopie du Necronomicon. Il est évidemment impressionné par la description de toute une série de créatures monstrueuses évoquées dans ces écrits (les grands classiques aussi !). Il met également la main sur les notes laissées par Wilbur, relatant ses incursions (en rêve ?) dans des contrées maudites, peuplées par lesdites créatures. Il recopie au sol une étoile dessinée par Wilbur et récite selon les instructions du défunt : Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn ! Iä Iä, Cthulhu fhtagn ! Il voit alors au travers de la vitre des paysages incroyables et une créature tentaculaire commencer à traverser la vite. Il efface en catastrophe l’étoile. La maison retrouve son calme, mais il découvrira dans la chambre, au petit matin, parmi les morceaux de verre éparpillés, un tronçon sectionné de tentacule.

jeudi 28 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA LAMPE D'ALHAZRED, Derleth & Lovecraft





La Lampe d’Alhazred (un texte de Derleth d’après des notes de Lovecraft, The Lamp of Alhazred in The Survivor and Others, Arkham House 1957). Je ne sais pas si Lovecraft y est pour grand-chose dans ce texte de Derleth, mais nous sommes en présence d’une petite perle. Un récit autobiographique (du moins si on suppose que la plume de Lovecraft a été utilisée) qui met en scène l’auteur, Ward Phillips, reclus dans sa maison d’Angel Street, et à qui on va remettre la dernière pièce de l’héritage de son grand père, le vieux Wipple. Il s’agit d’une lampe magnifique, provenant d’une tombe en Arabie, et ayant appartenu au poète fou, Abdul Alhazred. On l’aurait retrouvée dans la ville secrète d’Irem, la Cité des piliers. Ward partage son temps entre des promenades diurnes dans la campagne aux alentours de Providence et de laborieux travaux nocturne d’écriture afin de subsister. Il s’était mis à écrire pour de médiocres petits périodiques à bon marché. Pour augmenter ses ressources, il révisait des manuscrits, en prose ou en vers. Ces textes, d’avance condamnés, émanaient d’auteurs beaucoup moins qualifiés que lui. Ils espéraient que, par quelque miracle de sa plume, ces manuscrits trouveraient le chemin d’un éditeur.
Et puis un soir, il abandonne ses habituelles bougies et allume la lampe. Et le miracle se produit. Il voit sur les murs des paysages magnifiques, des cités somptueuses et découvre Kaddath la mystérieuse, Arkham et la rivière Miskatonic, Dunwich, Innsmouth et le récif du Diable, les Montagnes Hallucinées au Pôle Sud…. Ces visions lui inspireront l’essentiel de son œuvre. Il oubliera la lampe, et bien des années plus tard, se sentant très malade, il l’allumera à nouveau. Et cette fois le spectacle sera celui de la Nouvelle-Angleterre de son enfance, des collines qu’il aimait gravir et des forêts dans lesquelles il se perdait volontiers. Il franchira la porte pour retourner dans le décor de son enfance. On ne retrouvera jamais sa trace.

N’est point mort qui peut éternellement gésir,
Au cours du temps, la mort même peut mourir.


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LES CHRONIQUES D'EL BIB : L'HERITAGE PEABODY, Derleth & Lovecraft


L’Héritage Peabody (un texte de Derleth d’après des notes de Lovecraft, The Peabody Heritage in The Survivor and Others,  Arkham House 1957). Lovecraft nous a abreuvé d’histoires de maisons maudites et il continue après sa mort grâce à la plume d’August Delerleth. Cette fois c’est la famille Peabody qui est mise en scène, un patronyme que nous avons déjà rencontré dans Le Cauchemar d’Innsmouth en la personne de Lapham E. Peabody, conservateur à l’Arkham Historical Society. Le Peabody de la présente nouvelle prend possession d’une vieille demeure de famille, délabrée, sise près de Wilbraham dans le Massachussets, et décide de la restaurer en partie pour s’y installer. Il visite le caveau familial et découvre les cercueils de 37 ancêtres. Il remarque une tombe à moitié ouverte où git le cadavre de son arrière-grand père, Asaph, le squelette retourné ; il décide de le remettre à l’endroit.
Il fait des rêves inquiétants et, avec l’architecte chargé de la restauration, découvre une pièce secrète aux angles impossibles ; on n’est pas loin de La Maison de la Sorcière. La population locale refuse de participer aux travaux de restauration, en raison des légendes terrifiantes qui courent au sujet de la famille Peabody (on a déjà lu ça très souvent !). On fera appel à des immigrés polonais. Un bébé disparaît dans une ferme attenante et il apprend que son aïeul Asaph était sorcier. Et de découvrir lors des travaux des squelettes d’enfants, et dans la pièce secrète des traités de magie noire, comme le Malleus Maleficarum et le Daemonialitas de Sinistrari ainsi que le Vitae sophistrarum d’Eunapius,  De Natura Daemonum d’Anania,  Fuga Satanae de Stampa et  le Discours des Sorciers de Bouget[1].
L’héritier va faire un nouveau cauchemar durant lequel il participe à une messe noire avec Asaph et retrouvera le matin sur le bureau de la pièce cachée des traces de sang frais. Il se précipitera dans le caveau, et constatera qu’en remettant le squelette de son arrière-grand père à l’endroit, il lui avait rendu une forme de vie. Il mettre le feu au bâtiment.
Un texte sans intérêt qui sent bon l’odeur du « téléphoné ».




[1] Il s’agit en fait d’Henri Boguet. Très célèbre démonologue, il est l'auteur du Discours exécrable des Sorciers (1603), douze fois réédité en vingt ans. Les dix premières éditions couvrent la période 1602-1610, qui correspond également à l'une des premières périodes de persécution organisée en Franche-Comté (1603-1614), favorisée par la législation princière (édit des Archiducs en 1604), parlementaire (publication répressive de 1608), et la participation de la population. La première répression débute en fait en 1598, prend son origine dans la juridiction de Boguet et dure quatre ans.

samedi 23 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : UN JOUR A WENTWORTH, Derleth & Lovecraft





Un jour à Wentworth (un texte de Derleth d’après des notes de Lovecraft, The Wentworth Day in The Survivor and Others,  Arkham House 1957). Un nouveau « pastiche » de Derleth qui continue à respecter la structure narrative de Lovecraft pour nous fournir un récit d’un intérêt limité. Nous sommes dans la région de Dunwich et un représentant de commerce, surpris par la pluie et la nuit, se réfugie dans la vieille demeure d’un certain Amos Stark qui ne cesse de marmonner le nom de Nahum Wentworth. Le visiteur finit par comprendre que ce dernier a prêté 5000 € à Amos et qu’il doit venir réclamer son dû cette nuit. Mais de préciser qu’il ne risque guère de venir car il a tué son créancier lors d’une partie de chasse. Cependant, le visiteur sera réveillé par des coups frappés à la porte et retrouvera le propriétaire étouffé par un squelette.

A noter que le visiteur découvre chez Amos Le Septième Livre de Moïse. Au 19ième siècle, le Sixième et Septième Livre de Moïse fut combiné avec une partie du livre du Dragon de Feu (ou enflammé). Ce deuxième livre eut son origine en France et il est censé avoir été imprimé à la fin du 17ième siècle de manuscrits datant de l'an 1552. Après la révolution française en 1789, une révolution qui avait comme but de détrôner Dieu et de mettre sur le trône la déesse de la raison, ce livre particulier, le Dragon de Feu (ou enflammé), devint un sinistre substitut pour la Bible dans certains cercles de magie français. Après la fusion des deux livres, ils furent publiés sous le nouveau titre : "Le Magazine Sympathique Magique", de même que sous leurs anciens titres.


mercredi 20 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA MAISON MAUDITE, Lovecraft

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La Maison Maudite (1924, The Shunned House in Weird Tales 1937) est une excellente novellette mettant en scène une maison de Benefit Street à Providence, victime d’une étrange malédiction. Ses propriétaires, la famille Harris, mourront tous le langueur et d’anémie. Le narrateur (non nommé) est intrigué par ces légendes et s’en ouvre à son oncle, le Dr Elihu Whipple qui a déjà longuement enquêté sur le sujet. Suit une longue chronique de la famille Harris qui est également un intéressant raccourci de l’histoire de Providence. Ce qui frappe le narrateur, lors de ses investigations dans les chroniques anciennes, c’est que plusieurs des « victimes » se mettaient à hurler en français, langue qu’elles ne connaissaient pas. Et de découvrir que la maison Harris a été construite sur le cimetière de la famille de Roulet, une famille huguenote française émigrée en Amérique et dont l’un des ancêtres fut accusé de lycanthropie. Le narrateur et son oncle décident de crever l’abcès et s’installent pour une nuit dans la cave du manoir. Une étrange forme vaguement humaine figure comme en pointillé sur le sol. Elle reprendra consistance et « engloutira » littéralement le vieil oncle. Le narrateur s’enfuira et reviendra la nuit suivante avec des bonbonnes d’acide sulfurique pour éradiquer le monstre.
Une nouvelle très riche sur une maison qui existe réellement et qui est en quelque sorte le point d’orgue des nombreux récits de Lovecraft sur les demeures maudites. A noter que la famille de Roulet a effectivement existé et qu’elle est citée dans Myths and Myth-Makers de Fiske (1872). 



Les notes de Jacky Ferjault :

La nouvelle de Lovecraft qui se rapproche le plus des histoires de vampires traditionnelles est sans
doute The Shunned House (1924, La Maison, publié en 1937 dans Weird Tales). On y voit les occupants successifs d’une vieille maison de Providence mourir d’une mystérieuse et inexorable anémie jusqu’à ce qu’un homme plus curieux que les autres, le narrateur, découvre dans la cave un gigantesque cadavre boursouflé qui semble s’être nourri pendant des années de leur sang. Les victimes ayant été retrouvées pratiquement exsangues au moment de leur mort, il y a bien eu un phénomène de vampirisme, mais celui-ci s’est fait sans morsure, à distance, comme par une mystérieuse osmose. Le mystérieux mort-vivant, à la différence des vampires traditionnels qui se réveillent la nuit, mène une sorte d’existence végétative au fond de sa tombe d’où il ne sort jamais. À noter que le narrateur n’utilise pas le moyen classique qu’est le pieu pour éliminer ce redoutable vampire, mais il préfère déverser sur le corps six bombonnes d’acide sulfurique, ce qui est tout à fait inhabituel dans ce genre de récit.

lundi 18 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB, LE SURVIVANT, Lovecraft & Derleth





Le Survivant (1954, un texte de Derleth d’après des notes de Lovecraft, The Survivor in Weird Tales 1954). Il n’est pas évident de faire la part des choses dans la fiction rédigée par August Derleth sur la base de notes inachevées de Lovecraft. J’ai fouillé dans les travaux de Joshi, mais je n’ai pas trouvé les sources précises. Disons simplement que cette nouvelle respecte bien la construction littéraire à laquelle Lovecraft nous a habitué, avec un démarrage sur des considérations onirico-générales et une chute sur l’indicible. L’histoire met en scène Alijah Atwood (participant à l’expédition des Montagnes Hallucinées) de retour à Providence. Lors de ses pérégrinations, il tombe amoureux d’une maison dans Benefit Street, la maison Charrière, au sujet de laquelle courent d’étranges légendes. Il décide de se renseigner auprès de son confrère archéologue, le Pr. Gamwell, résidant Barnes Street (les Gamwell sont des ascendants de Lovecraft). Il apprend que le propriétaire, médecin biologiste, est décédé en 1927 mais que la maison est toujours parfaitement entretenue selon les volontés (et la générosité) du défunt. Malgré les réticences de Gamwell, il loue la maison pour six mois. L’examen du cabinet du docteur montre que celui-ci s’intéressait aux sauriens sur lesquels il faisait des recherches approfondies. Atwood cherche à documenter la vie de Charrière, mais ne trouve pas trace de sa naissance ; il repère en revanche un quidam à l’identité similaire, né à Bayonne en 1636. Gamwell lui décrit Charrière comme une salamandre qui aurait appris à marcher sur ses pattes de derrière, un homme glacial et inquiétant. Une vieille voisine de Benefit Street précise qu’il se promenait parfois avec une créature serpentine à ses pieds et que des bruits effrayants sortaient souvent du puits de son jardin. Atwood poursuit l’examen des papiers du défunt, même s’il est incommodé par une odeur de batraciens et perturbé par une présence qui rôde dans le bureau. Cela dit il tombe sur des notes de la main du Docteur, dont certaines très anciennes, ayant trait à la prolongation de sa propre existence et à des références à Cthulhu, Dagon, ainsi que sur une bibliothèque dans laquelle figurent les Unaussprechlichen Kulten, le Culte des Goules, les Manuscrits Pnakotiques… Il met également la main sur toute une série de fiches retraçant des croisements entre humains et batraciens dont une bonne partie auraient été réalisés à Innsmouth. Il sera interrompu dans ses recherches sur une nouvelle irruption de la présence sur laquelle il tirera avec son revolver. Le monstre prendra la fuite et ira se réfugier dans le puits. Grâce à une échelle scellée dans le mur, il y descendra, et empruntant un boyau latéral dans laquelle se trouve une tombe, celle de Jean-François Carrière, un reptilien vaguement humanoïde ensanglanté.
S’il n’y avait cette mention « à partir des notes de Lovecraft », on pourrait penser être en présence d’un pastiche assez classique, reprenant tous les poncifs du Mythe.

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'INDICIBLE, Lovecraft





L’Indicible (1923, The Unnable in Weird Tales 1925) est une nouvelle importante du fait de son caractère autobiographique. Elle met en scène Carter, jeune écrivain d’horreur qui a défrayé la chronique avec sa nouvelle « la fenêtre d’en-haut », publiée dans le numéro de janvier 1922 de Whispers (revue imaginaire). Il s’agit de Randolph Carter bien sûr, même si son prénom n’est pas cité, car le dit Randolph fera référence à cet incident dans La Clef d’Argent. Il discute souvent de littérature avec son ami, Joël Manton, docteur de l’East High School à Boston. De dernier est un rationaliste qui ne comprend pas la fascination de son ami pour l’indicible. Pour lui, tout a une cause et une explication logique. Ils vont passer une nuit tous les deux dans un cimetière, assis sur une tombe fissurée, près d’un vieux manoir.  Il s’agit de la demeure mise en scène dans la nouvelle de l’écrivain, dans laquelle se sont déroulés des faits horribles, selon un vieux journal intime du début du XVII ème siècle retrouvé par l’auteur. Y résidait un vieil homme solitaire, persécuté par une créature à l’œil douteux, laissant sur son passage des marques mélangées de de sabots fourchus et de pattes vaguement humaines. Le vieil homme succombera de frayeur et sera enterré dans le cimetière attenant. Mais la légende raconte que le monstre continue à rôder dans les parages. Manton commence à réaliser qu’il est sur le théâtre de l’affaire, alors que les vitres du manoir craquent. Une entité invisible terrassera les deux amis qui se retrouveront à l’hôpital, le dos de Manton étant zébré de coupures et de griffures.
En évoquant les légendes noires, Carter fera de nombreuses allusions à Cotton Mather :
Tout d’abord, avait-on dit, la chose était biologiquement impossible ; ce n’était qu’un de ces contes de vieilles femmes qu’on se chuchote dans les campagnes et que Cotton Mather avait été assez crédule pour inclure dans ses Magnalia Christi Americana, ouvrage grotesque d’ailleurs ; du reste, les preuves étayant ce récit étaient si faibles et si douteuses que même Mather n’avait pas osé désigner clairement la localité où était censée s’être passée cette histoire à donner le frisson. Quant à la suite que j’avais donnée à ce récit, elle était parfaitement invraisemblable ; elle trahissait tout simplement l’écrivaillon travaillé par une imagination surchauffée et hanté par la spéculation systématique. Mather avait seulement dit que cette chose était née, mais il fallait vraiment n’être qu’un méprisable amateur de sensationnel pour avoir songé à la faire grandir et regarder, la nuit, par les fenêtres des gens, et se cacher dans la mansarde d’une maison, en chair et en os, pour que finalement, des siècles plus tard, un être humain la distingue à une fenêtre, et soit par- dessus le marché incapable de décrire ce qui a fait soudain blanchir ses cheveux. Cotton Mather ( 1663, Boston, Massachusetts, États-Unis - 1728, Boston, Massachusetts, États-Unis) était un ministre du culte puritain, auteur prolifique et pamphlétaire, fils du révérend Increase Mather. L’ouvrage que Lovecraft cite était sous-titré The Ecclesiastical History of New England from Its First Planting in 1620, until the Year of Our Lord 1698. (1702). Il est constitué de 7 livres réunis en deux volumes. Il traite du développement de la religion dans les colonies de Nouvelle Angleterre et critique les méthodes utilisées par les juges lors des procès de Salem.


samedi 16 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LES RATS DANS LES MURS, Lovecraft





Les rats dans les murs (1923, The Rats in the Walls in Weird Tales 1924 & 1930) est un récit très représentatif de l’horreur lovecraftienne, avec son cadencement particulièrement insidieux. Il s’agit du récit d’un américain d’origine britannique, Delaporte, qui sur la fin de sa vie décide de restaurer la demeure familiale, le Prieuré d’Exham. Celui-ci se trouve dans le sud de l’Angleterre, près d’Anchester (bourgade manifestement imaginaire), et suscite la répulsion des populations locales. La rumeur fait état de meurtres, sorcellerie, kidnappings commis par ses aïeux et évoque une dramatique invasion de rats en provenance du manoir et ayant décimé les animaux et quelques paysans.
Delaporte considère ces allégations comme des légendes fantaisistes et vient s’installer au Prieuré en reprenant le nom originel de la famille, de la Poer. Ses nuits sont perturbées par d’inquiétants bruits dans les cloisons qui déclenchent une véritable panique chez les chats. Il fait venir son ami Edward Norris et tous deux doivent admettre qu’il y a des rats dans les murs et que ceux-ci descendent dans la bâtisse. Ils découvrent une crypte avec un autel très ancien et décident de s’entourer de savants (archéologue, naturaliste etc…) afin de poursuivre l’exploration. Sous l’autel, un conduit permet d’accéder à une vaste caverne où se trouve une sorte de petit village jonché de squelettes humains, pour la plupart dévorés par les rats. Mais ils découvrent également les restes des ancêtres de Delaporte qui s’adonnaient au cannibalisme. Le propriétaire du Prieuré deviendra fou, manifestement possédé par l’esprit de ses prédécesseurs. On le retrouvera allongé sur le corps de Norris à moitié dévoré. Le Prieuré sera détruit et Delaporte finira ses jours dans un asile d’aliénés.
On rencontre Nyarlathotep dans la scène de possession finale ; …. les bouches grimaçantes des cavernes du centre de la terre où, Nyarlathotep, le dieu fou sans visage, hurle aveuglément dans les ténèbres, aux sons aigus de deux joueurs de flûte, amorphes et idiots.


vendredi 15 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : HYPNOS, Lovecraft

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Hypnos (1922, in National Amateur 1923, Weird Tales 1924). Le narrateur, un sculpteur non nommé, rencontre un quidam sur un quai de gare, en pleine convulsions. Il est beau comme un « faune de la Grèce antique ». Il l’emmène chez lui, dans la vieille tour d’un manoir du comté de Kent, et devient son ami. C’est un rêveur qui va initier le narrateur à l’exploration de ce qui est au-delà du miroir. Lors d’une excursion onirique, ils rencontrent une barrière que seul l’ami parvient à franchir. Il se réveille, terrorisé, et les deux comparses décident de cesser leurs voyages, faisant appel à des drogues pour éviter le sommeil. L’ami succombera cependant à la somnolence et se mettra à hurler alors que la pièce s’illumine de couleur rouge, émanation de l’étoile Corona Borealis. On ne pourra le réveiller et à sa place, sur son lit, on trouvera sa tête sous forme d’une magnifique sculpture en marbre sur laquelle est gravée Hypnos.
Une belle nouvelle onirique construite de telle façon qu’on ne sait jamais clairement si l’ami a réellement existé ou si toute l’histoire n’est que le produit des rêves du sculpteur.






jeudi 14 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA TOURBIERE HANTEE, Lovecraft

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La Tourbière Hantée (1921, the Moon-Bog in Weird Tales 1926). Cette nouvelle fut écrite à l'occasion d'un rassemblement de journalistes amateurs de Boston lors de la fête de la Saint-Patrick en 1921, d'où la localisation de l'intrigue en Irlande. Elle est très typique de la bonne nouvelle d’horreur lovecraftienne. Le narrateur (non nommé) rend visite à son ami Denys Barry qui, après avoir fait fortune en Amérique, a restauré le château familial de Kilderry à proximité duquel se trouve une tourbière. Ayant pris la décision de l’assécher, il déclenchera une panique au village dont les habitants s’enfuiront accompagnés par le personnel du château. Le propriétaire des lieux sera obligé de faire appel à de la main d’œuvre étrangère. Le narrateur fera d’étrange rêves au sujet d’une cité imaginaire située sous la surface marécageuse tout en percevant le son de flûtes. La nuit précédant le début des travaux d’asséchement, et toujours au son de la flûte, il observera des cohortes, formées des travailleurs étrangers et encadrées par de charmants naïades, se précipiter sous les eaux alors que le ciel s’embrase de rouge-feu. Et il verra un fantôme hurlant grimper sur une ruine située dans la tourbière, une caricature monstrueuse de son ami Denys.

FULCANELLI DANS LA LETTRE DU CROCODILE


HENRI BOUDET DANS LA LETTRE DU CROCODILE


LES CHRONIQUES D'EL'BIB : JE SUIS D'AILLEURS, Lovecraft





Je suis d’ailleurs (1921, The Outsider, Weird Tales 1926). Une belle nouvelle qui a un petit parfum autobiographique. Le narrateur, non nommé, vit reclus dans un vieux manoir sans miroirs, à l’ombre de personnes très âgées, et ne connaît rien d’autre que les livres de la bibliothèque et la pelouse où il aime rêvasser, sous d’immenses arbres qui l’empêchent de voir le ciel. Contempler les étoiles devient une obsession et il va escalader une tour en ruine, attenante au manoir. De façon curieuse, le sommet de la tour débouche sur le sol d’un vaste domaine dans lequel se dresse un château illuminé. Il entend des cris de joie et de la musique et pénètre dans la demeure. Les participants à la fête se figent, se mettent à hurler et s’enfuient. Le narrateur cherche ce qui a pu les effrayer et découvre, dans une alcôve, une créature répugnante aux formes vaguement humaines. Il s’approche et se heurte à une surface froide et immuable de verre lisse.
Lovecraft raconte dans une lettre que, de tous ses récits, celui-ci est celui qui s’approche le plus du style de son idole, Edgar Allan Poe. Les premiers paragraphes font écho à ceux de Bérénice tandis que l’horreur qui met fin aux festivités rappelle la scène du levé de masque dans Le Masque de la mort rouge.
A noter que Lovecraft fait allusion, dans la nouvelle, et dans le cadre des rêveries du narrateur, aux catacombes de Nephrem-Ka dans la vallée secrète de Hadoth près du Nil, aux roches tombales de Neb
et aux fêtes sans nom de Nitokris sous la Grande Pyramide.


lundi 4 juillet 2016

CHARLY SAMSON AU JARDIN DE MARIE : Maguelone au coeur de l'Insolite


LES CHRONIQUES D'EL'BIB : FURIE DIVINE, Dos Santos





Furie Divine de Rodriguez Dos Santos a été publié au Portugal en 2009, mais il nous faudra attendre 2016 pour que l’éditeur français (HC) de l’auteur se décide à le traduire. Or Dos Santos est un fabriquant de best-sellers bien connus comme La Formule de Dieu ou L’Ultime secret du Christ.  Il y a certainement derrière ce délai une petite touche de « politiquement correct », afin de ne pas heurter la sensibilité de nos amis musulmans ! Et c’est vrai que l’écrivain-journaliste fait une nouvelle fois très fort, en nous plongeant dans les méandres de l’islamisme radical, avec son art habituel : une intrigue, certes puisqu’il s’agit d’un thriller, mais surtout une enquête incroyablement documentée sur le sujet qu’il a choisi de disséquer. Nous sommes après les attentats du 11 septembre, et Ben Laden prépare la suite. Une attaque nucléaire contre les États-Unis à l’aide de micro-bombes fabriquées avec du matériel récupéré dans les centrales-passoires de l’ex Union Soviétique.
L’auteur nous met dans la peau d’un jeune musulman du Caire, Ahmed, qui va suivre un circuit au demeurant très classique, entre son école coranique et la mosquée. Et il tombe dans un fondamentalisme terrifiant. Il n’y a pas de gentils ou de méchants musulmans, mais il n’y a que la parole d’Allah, exprimée dans le Coran, la Sunna (jurisprudence du Prophète) et les Hadiths (autres jurisprudences), une parole qui doit être respectée à la lettre. Tout écart fait de vous un infidèle. Ses entretiens avec son professeur de théologie font frémir, dans la mesure où on se retrouve rapidement dans une dialectique totalitaire dont on ne peut s’échapper. Ahmed aura droit de passer quelque temps en prison, pour avoir injurié et caillassé des touristes américains, sanction qu’il ne comprendra du reste jamais, estimant n’avoir fait que son devoir de lutte contre ces « porcs d’infidèles ». Sa grande foi et sa bonne conduite lui vaudront une libération rapide, à l’instigation d’un mouvement radical qui n’avait pas manqué de le repérer. Il sera envoyé comme agent « dormant » au Portugal, afin de suivre des études d’ingénieur dans le nucléaire. Au bout de quelques années, son heure sonnera et il sera transféré en Afghanistan pour faire de lui un combattant spécialisé dans le domaine des explosifs les plus sophistiqués. Au cours de cette dernière, il aura l’insigne honneur de rencontrer Ben Laden himself. Il acceptera avec joie de devenir djihadiste et se retrouvera à New-York au moment où va s’ouvrir une session aux Nations-Unies sous la présidence du chef de l’État américain. On devine la suite !
Ce qui est bien brossé dans ce roman, c’est la psychologie profonde des terroristes. Les explications socio-économiques (jeunes issus de milieux défavorisés) ou culturelles (absence d’éducation) ne tiennent guère la route. Nous sommes en présence d’individus que l’on qualifierait volontiers de « tout à fait normaux ». Sauf qu’ils sont rentrés, généralement avec enthousiasme et en pleine conscience, dans un système qui ne peut que se terminer que dans un bain de sang. Car il n’y a pas de demi-mesure dans le fondamentalisme : les infidèles doivent périr (y compris les musulmans ayant cédé aux sirènes de la société moderne) pour rétablir le Califat perdu.

vendredi 1 juillet 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'ANGE A LA FENETRE DE L'OCCIDENT, Gustav Meyrink





L’Ange à la Fenêtre de l’Occident (Gustav Meyrink, 1927 ; édition française chez Retz, 1975, avec des illustrations d’Isabelle Drouin) est un livre important.
D’abord parce qu’il s’agit d’un véritable roman occulte, écrit par un auteur qui maîtrise parfaitement le symbolisme, les correspondances et les techniques initiatiques. On baigne dans l’alchimie, la réincarnation, le paganisme avec un petit parfum de Hieros Gamos. Le fil rouge est bien sûr celui de la recherche de la transcendance et de l’immortalité.
Ensuite parce que l’action se déroule sur deux plans temporels (le XVI ème siècle et le début du XX ème), mais pas à la façon des thrillers ésotériques auxquels nous sommes habitués, à savoir un empilage de tranches de saucisson zébrés de « flash back » [1]. Les deux trames chez Meyrink se chevauchent et finissent par se mélanger de façon convaincante, donnant au récit un ton fluide au service d’une action continue.
Enfin, et peut être surtout, parce qu’il s’agit de la première biographie romancée de John Dee dont les principaux éléments seront par la suite largement recyclés dans toutes les études romantiques qui fleuriront sur le personnage. L’Ange à la Fenêtre de l’Occident est en quelque sorte le vecteur qui introduit John Dee dans les littératures de l’Imaginaire. Lovecraft ne s’y trompera pas, utilisant dès l’année de parution du livre (1927), le personnage du magicien anglais dans son Histoire du Necronomicon : Une traduction anglaise, faite par le Dr. Dee, ne fut jamais imprimée et n’existe qu’à l’état de fragments récupérés à partir du manuscrit original. Il y reviendra l’année suivante (1928) dans L’Abomination de Dunwich : … Or, le personnage principal ne possède que les fragments traduits par John Dee.

Le récit met en scène un certain baron Müller, critique d’art dans le Prague du début du siècle dernier, collectionnant les pièces rares que lui fournit son vieil ami slave, Lipotine. Sa vie va basculer, suite à la réception d’un colis que lui a fait parvenir son cousin, John Rogers, avant de mourir. Un paquet contenant papiers, manuscrits et objets divers provenant de John Dee, un vieil anglais excentrique ancêtre de sa mère. Et de dérouler l’existence d’un personnage multipliant les « ratages » et pour commencer avec un petit stage en prison pour s’être mis à dos la souveraine de l’époque, la Reine Mary. Un ratage compensé par les révélations d’un inquiétant compagnon de cellule, Bartlett Green, qui lui remettra le fameux miroir noir et le mettra sur la piste du trésor exhumé de la tombe de Saint Dunstan, à savoir une boule rouge contenant la materia prima, blanche renfermant de la poudre de projection et un manuscrit faisant office de mode d’emploi. Ratage parce que fondant tous ses espoirs sur la Reine Elisabeth, venant de succéder à Mary et l’ayant élargi, il se fait « balader » par la souveraine sur le thème « je t’aime moi non plus ». Ses projets d’ouvrir une voie maritime par le Groenland échouent alors que ses invocations magiques restent peu convaincantes. C’est la raison pour laquelle il va faire appel à des médiums, et notamment Edward Kelly, pour tenter de passer à la vitesse supérieure. L’or va surgir du fourneau grâce au contenu des deux boules, mais le manuscrit de Saint Dunstan reste indéchiffrable alors qu’il contient la formule pour les « recharger ». L’Ange Vert est évoqué par Kelly, mais lui aussi joue « les allumeuses », promettant sans rien révéler tout en étant de plus en plus exigeant.
La population du village de Dee, Mortlake, se révolte contre les deux compères accusés d’opérations diaboliques, les amenant à s’enfuir à Prague avec la complicité du Prince polonais Larski, tombé sous le charme de Kelly. Ratage à nouveau, car la rencontre avec l’empereur Rodolphe se terminera en queue de poisson, le souverain considérant Dee plus comme un charlatan qu’un véritable mage. Dee demandera du reste conseil à Prague à Rabbi Loew qui tentera, sans succès, de lui indiquer le vrai chemin de la sagesse par l’art de la prière. La fin sera pitoyable : l’Ange Vert ordonne à Dee de « prêter » sa femme Jane à Kelley, laquelle, humiliée, se jettera dans un puits appelé « puits Saint Patrick ». Il rentrera à Mortlake dans son domaine dévasté pour y mourir.

De façon curieuse, les différents éléments de cette saga vont rejaillir sur le Baron qui rentre en possession du miroir noir et des deux boules. Et puis tout se mélange, jusque dans les personnages : il embauche une nouvelle gouvernante qui se souvient d’avoir été Jane dans une autre vie. Il rencontre, par le biais de Lipotine, une inquiétante princesse russe, la princesse Chotokalugine, créature ambiguë qui qui symbolise la tentation et les forces du mal ; c’est Isaïs la noire, grande prêtresse du tantrisme. Elle collectionne d’étonnants artefacts [2](la lance du destin, le bouclier de Roland de Roncevaux… !) et recherche désespérément la pointe de la lance de John Dee. Le Baron résistera à toutes les tentations qui se multiplieront au cours de ses propres invocations à l’aide d’un restant de « poudre rouge ». Sa maison sera détruite par un incendie, Jane se suicidera avec la princesse, et il se retrouvera de l’autre côté du miroir, au domaine d’Elsbethstein où il retrouvera la Reine Elisabeth. Il aura réussi le parcours initiatique que John Dee avait raté et deviendra un Immortel.

A l’exception du manuscrit du Saint, il est peu question de livres dans ce roman, encore moins de bibliothèque. Sauf le journal intime transmis par John Rogers, les propres écrits de John Dee ne sont pas évoqués.

La critique de wikipédia (version anglaise), si elle considère ce roman comme une œuvre majeure, le qualifie pourtant de confus et compliqué. Avis que je ne partage absolument pas. Quand on a compris que le Baron Müller va reprendre la queste ratée de son aïeul et la réussir, les différents éléments du récit s’emboitent parfaitement et offrent au lecteur une vision saisissante de l’Initiation.


[1] Cf in Le Polar Esotérique (Lauric Guillaud et Philippe Marlin, EODS, 2016) l’étude sur la structure des romans de Giacometti et Ravenne.
[2] Ce qui n’est pas sans faire penser à l’excellente série américaine « le Bibliothécaire » (Les aventures d’Harold Flinn et « the librarians »)

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