jeudi 17 novembre 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : A TRAVERS LES PORTES DE LA CLEF D'ARGENT, Lovecraft & Price





A travers les Portes de la Clef d’Argent (1932-1933, une collaboration avec Edgar Hoffmann Price, Through the Gates of the Siver Key in Weird Tales, 1934). E.H. Price avait adoré La Clef d’Argent et proposa à Lovecraft, lors de leur rencontre l’été 32 à la Nouvelle Orléans, de lui donner une suite. Cela se traduira par Le Seigneur de l’Illusion (1932, The Lord of Illusion, texte publié en France par « Le Cri Mécanique »,1988), un texte que Lovecraft révisera en profondeur tout en en gardant la trame. 

Nous sommes dans la demeure de Etienne-Laurent de Marigny, à la Nouvelle-Orléans. Amateur éclairé de mystères, il est devenu l’ami de Randolph Carter qu’il a rencontré dans la Légion Étrangère, en France. Exécuteur testamentaire du disparu, il a réuni Ward Phillips, un vieil occultiste érudit, ami et correspondant de Carter, Ernest B. Aspinwall, cousin de l’intéressé et un mystérieux pandit Chandraputra, venu spécialement de Bénarès pour faire d’importantes révélations. La réunion se déroule dans le salon de l’hôte, sous des volutes de fumée d’herbes odorantes et au son du tic tac d’une horloge aux cadrans déroutants. Très vite, l’assemblée se divise quant à la pertinence du règlement de la succession, car à l’exception du cousin, tous les participants sont persuadés que Randolph Carter vit toujours, prisonnier de quelque méandre du temps.
Le pandit prend la parole, abondant dans ce sens, expliquant qu’il a gardé le contact avec le disparu. Et de retracer l’aventure de ce dernier, franchissant une porte sacrée où il est attendu par le Grand Ancien Urm At-Tawil, littéralement le plus Ancien de tous dont il est fait état dans le Necronomicon (cf citation en infra) et Le Livre de Thot. Face à la détermination de Carter, il acceptera d’ouvrir à son visiteur la porte ultime et de lui révéler le secret de toutes choses. Carter est alors terrassé par une panique sans nom, perdant son identité pour devenir tous les Carter passés et futurs. Il lui est expliqué que le temps n’existe pas, et que toute chose est l’apparence d’une chose plus importante. Considérez la forme que vous appelez un cône. Vos géomètres la coupent à l’aide d’un plan et ils obtiennent un cercle. S’ils changent l’angle de la coupe, ils obtiennent une ellipse. S’ils changent à nouveau d’angle, c’est une parabole qu’ils obtiennent. Une parabole dont les extrémités vont se confondre avec les plus extrêmes limites de votre espace. Et pourtant, il s’agit du même cône, rien n’a changé, vous l’avez simplement coupé selon des angles différents…. Les ellipses, les paraboles, les hyperboles sont par conséquent des illusions dont vous dites qu’elles changent, car vous oubliez qu’elles ont toutes pour origine une figure spatiale inaltérable… A cette explication qui est de Price, Lovecraft va ajouter une véritable dimension métaphysique.
A l’origine de tout, il y a l’Être ou encore l’Archétype Universel. Et chaque chose, chaque individu, n’est qu’une des phases de l’infinité de phases comportant l’Archétype Suprême. Et il suffit de changer l’angle de son observation pour se retrouver ailleurs. Il s’agit d’un texte important qui résonne étrangement, à la lumière de la physique quantique et des mathématiques de l’impossible. On sent poindre la thématique de « on a retrouvé Dieu » au travers des équations, un Dieu qui n’est pas celui de la Bible, mais une Intelligence Cosmique que d’autres appelleraient le Grand Architecte de l’Univers. Et Carter, qui est devenu Zbauka, le magicien de Yaddith, demande à L’Être, de l’aider à changer son angle d’observation pour revenir à Boston. Mais pour retrouver son apparence humaine, il lui faudra récupérer le parchemin qui était dans le coffret avec la clef d’argent, document qu’il a laissé dans sa voiture.
Le cousin crie à l’imposture et condamne les élucubrations du pandit. Celui-ci exhibe alors la clef d’argent et avoue qu’il est Randolph Carter. Aspinwall fait tomber sa tenue et découvre le corps d’un monstre qui part se réfugier dans l’horloge dont il referme la porte. Lorsqu’on la réouvrira, il aura disparu ! 
Une chute qu n’en est pas une et qui aurait permis une suite (cf 2010)…

° Citation du Necronomicon
Et bien qu'il existe des gens ayant osé jeter un regard par-delà le Voile et accepter l'Entité comme guide, ils eussent été plus prudents en évitant tout commerce avec elle. Il est écrit dans le Livre de Thoth de quel terrible prix se paie le moindre regard. Ceux qui vont de l'autre côté du Voile ne peuvent jamais revenir car, dans ces espaces infinis qui dépassent notre monde, il y a des ténèbres qui saisissent et qui lient. L'être qui, pas à pas, avance au hasard dans la nuit, le Mal qui défie les Anciens Signes, le Troupeau qui monte la garde dont on connaît l'existence dans chaque tombeau et vit de ce qui pousse des morts - tous ces êtres du monde des ténèbres sont de loin inférieurs de Celui qui garde la porte ; de Celui qui guidera l'imprudent par-delà l'univers dans l'abîme où gîtent des formes innomables toujours prêtes à dévorer. Celui-là, le très ancien, c'est UMR-AT-TAWILL, nom que le scribe a traduit par "Celui dont la vie a été prolongée".

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